đ€ CETTE SCĂNE QUI MâA MARQUĂ : Le Parrain
En ce jour pluvieux du mois de mai, qui ressemble Ă©trangement Ă une journĂ©e dâautomne, jâai eu envie dâĂ©crire sur lâun des films les plus respectĂ©s de lâhistoire du cinĂ©ma. Jâai nommĂ© "Le Parrain" de Francis Ford Coppola.
Je ne vais pas cacher le suspense plus longtemps, je suis en totale admiration devant la mise en scĂšne et lâĂ©criture du Parrain depuis trĂšs longtemps. Ă chaque fois que je revois les deux premiers (mettons le troisiĂšme de cĂŽtĂ© hahah), je me dis quâon n'est pas loin dâavoir un film oĂč chaque scĂšne est littĂ©ralement un chef dâĆuvre.
Mais aujourdâhui, jâai dĂ©cidĂ© de vous parler dâune scĂšne peut-ĂȘtre un peu moins sous les feux des projecteurs habituellement, mais qui me touche tout particuliĂšrement. En 1974 sortait "Le Parrain, 2Ăšme partie". Un rĂ©cit qui raconte la radicalisation de Michael Corleone dans sa posture jusquâĂ devenir intraitable.
Nous sommes proches du dĂ©nouement du film lorsque Tom Hagen (le « consigliere » de Michael Corleone) se rend en prison afin de rendre visite Ă Frankie Pentangeli (le traĂźtre). Tout lâenjeu de cette scĂšne est de trouver une fin "acceptable" pour Frankie qui, durant la crĂ©ation de lâempire Corleone, a Ă©tĂ© une piĂšce maĂźtresse de la famille.
DĂšs le dĂ©but de la scĂšne, la camĂ©ra est pudique. Elle se cache derriĂšre le grillage de la prison, comme pour laisser de lâintimitĂ© Ă Tom et Frankie. Nous ne sommes pas sensĂ© assister Ă cette discussion.
La scĂšne est un plan sĂ©quence oĂč les personnages marchent de droite Ă gauche, symbole du voyage vers le passĂ©. La thĂ©matique est donc posĂ©e dĂšs le dĂ©but. Frankie suit Tom, comme pour nous montrer quâil reste attachĂ© Ă son passĂ© malgrĂ© sa trahison.
Les deux vieux amis commencent par allumer un cigare, ils sont dĂ©contractĂ©s, ils viennent du mĂȘme monde. Chacun admettant le rang de l'autre dans la hiĂ©rarchie mafieuse.
La scÚne est composée de 3 parties :
Le début du couloir, on reparle indirectement de la trahison.
Le milieu du couloir, on parle de Frankie et de ce qu'il a représenté pour la famille.
La fin du couloir, on parle indirectement de la solution Ă apporter.
Je passe le dĂ©but du dialogue qui fait directement rĂ©fĂ©rence Ă la façon dont Michael Corleone a stoppĂ© la trahison de Frankie pour aller directement Ă la deuxiĂšme partie : Les deux hommes parlent du passĂ©, de la crĂ©ation de lâempire Corleone et de lâimplication de Frankie dans celui-ci. ChargĂ© de nostalgie, ce discours permet Ă Tom dâadmettre la valeur de Frankie. La famille sait ce quâil a fait pour elle dans le passĂ© et ne lâoublie pas.
La musique fait son entrĂ©e Ă travers la valse composĂ©e par Nino Rota, qui vient convoquer la gravitĂ© de ce qui est sur le point dâĂȘtre discutĂ©.
Tom convoque alors habilement lâhistoire en expliquant que dans lâempire romain, lorsquâun complot contre lâempereur Ă©tait dĂ©jouĂ©, on donnait toujours une chance au traĂźtre de se racheter. La camĂ©ra sâest arrĂȘtĂ©e, nous sommes visuellement au bout du couloir. Câest le dĂ©nouement.
Frankie rĂ©pond alors que dans ces cas-lĂ , si le traitre se suicidait, sa famille Ă©tait prise en charge. Ce Ă quoi Tom rĂ©pond que câĂ©tait un bon deal. Les deux hommes se serrent la main. Indirectement, la mort de Frankie vient dâĂȘtre actĂ©e.
Frankie regarde Tom sâĂ©loigner.
Ă chaque fois que je revois cette scĂšne, je suis Ă©mu par la façon dont Coppola met en scĂšne, avec pudeur, un instant dĂ©chirant. Le jeu de Robert Duvall et Michael V. Gazzo est tendre et touchant. Je ressens, dans la discussion, tout lâenjeu dâune conversation qui nâa en rĂ©alitĂ© jamais totalement lieu frontalement.
Câest pour moi un exemple parfait dâĂ©lĂ©gance de la mise en scĂšne au service du scĂ©nario. Câest une trĂšs grande scĂšne de cinĂ©ma, simple et sans fioritures.
Pour toutes ces raisons, lorsque je veux me rappeler pourquoi jâai souhaitĂ© faire du cinĂ©ma⊠eh bien, je regarde cette scĂšne et je me souviens.
Et toi ? Est-ce que cette scÚne t'a marqué ?
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